Vers la fin de 1906, l’aéroplane des frères WRIGHT était toujours au repos, ceux-ci se consacrant à leurs tractations en même temps qu’à la construction de nouvelles machines. La France mise à part, et à l’exception des essais assez obscurs de ELLEHAMMER au Danemark, nulle activité ne se manifestait en aucun pays en matière d’aviation pratique.
En France, le capitaine FERBER s’était fait mettre en congé pour devenir administrateur et ingénieur à la Société « Antoinette » à Puteaux.
BLÉRIOT construisait une usine modèle à Paris, sur un terrain de la zone ouest. Il allait bientôt sortir un premier appareil puis toute une série d’autres.
Les frères VOISIN, eux, cherchaient le client assez compréhensif qui voudrait bien passer commande de l’aéroplane qu’ils avaient hâte de réaliser. Ils trouvèrent Léon DELAGRANGE ; jeune sculpteur de 34 ans, habitant Paris mais originaire d’Orléans. L’appareil sortit à la fin de février et fut transporté à Vincennes pour les essais. Certaines faiblesses de construction apparurent ; l’aéroplane rentra à l’usine d’où il ressortit au milieu de mars à destination de Bagatelle. Après mise au point, le 30 du même mois, il accomplissait une envolée de 60 mètres, à deux ou trois mètres du sol. Charles VOISIN, qui le pilotait, inscrivait le premier nom français sur une liste à peine ouverte.
Il fallait surmonter des difficultés considérables pour procéder à la moindre expérience sur des terrains où l’on était seulement tolérés et sur lesquels on devait transporter l’aéroplane par éléments, encombrants et fragiles, procéder à son montage, au milieu d’un public pas encore bien nombreux mais toujours trop empressé, puis effectuer les opérations inverses.
L’autorisation d’opérer sur le champ de manœuvre d’Issy-les-Moulineaux ne vint qu’un peu plus tard. BLÉRIOT y effectua les premiers vols en juillet. Elle comportait d’ailleurs une réglementation sévère et gênante. C’est ainsi, par exemple, qu’il fut interdit de construire un hangar sur le terrain ; comme il était bordé, du côté d’Issy, par un mur d’au moins 1,50 m appuyé contre un terre-plein où se trouvait des madriers, puis remonter l’aéroplane, manœuvres délicates et un peu acrobatiques.
En avril, après deux nouveaux vols de 30 à 50 mètres effectués à Bagatelle, les VOISIN livraient à DELAGRANGE son acquisition. L’engin dérivait assez nettement des planeurs que Gabriel avait heureusement essayés sur la Seine en 1905. DELAGRANGE, ayant en main un aéroplane qui volait, commit l’erreur de ne pas l’utiliser immédiatement et tel quel pour son propre apprentissage. Il fit remplacer les roues par des flotteurs puis l’essaya sur le lac d’Enghien où six mois se passèrent en tentatives infructueuses.
BLÉRIOT, avant que Charles VOISIN en eût fini à Bagatelle avec le biplan de DELAGRANGE, avait amené sur ce terrain un petit appareil, son premier monoplan, qui ne donna aucun résultat et n’eut qu’une existence éphémère. Il fut détruit le 19 avril, après une quinzaine de jours d’essais. C’était comme une réplique minuscule et d’allure fragile, totalement différente pourtant, du 14 bis de SANTOS.
En ce mois d’avril 1907, on achevait, dans une petite usine de Boulogne sur Seine, un aéroplane dont le constructeur allait rapidement occuper une place de choix dans l’aviation ; non point tant à cause des performances qu’il accomplit cette même année et l’année suivante qu’en raison des caractéristiques et des qualités que possédait le premier appareil qu’il s’apprêtait à piloter sur le plateau de Buc près de Versailles. Je parle en ce moment de Robert ESNAULT-PELTERIE dont j’ai dit précédemment qui il était et les essais de planeur auxquels il s’était livré.
J’étais entré à son service, en octobre 1905 et j’avais été d’abord un peu déçu. L’atelier qu’il avait installé à l’extrémité du parc de la propriété de ses parents fabriquait, à cette époque, des amortisseurs d’automobiles, de son invention, et l’on parlait peu d’aviation. Je gagnai vite sa confiance. Pour des raisons qui n’ont pas leur place ici, nous nous trouvions bientôt lancés dans l’étude et la fabrication de trois voiturettes avec comme objectif l’une des courses de 1908, un tour de France. J’étais spécialement chargé des moteurs, puis des essais, avec un ami qui m’avait rejoint. L’affaire alla mal et nous ne fûmes pas prêts. Cependant chez Robert ESNAULT-PELTERIE, REP, comme il s’était baptisé lui-même, les idées bouillonnaient. Il voulait « faire quelque chose ». Or les projets de SANTOS-DUMONT prenaient corps et furent connus – REP était membre de l’Aéro-club de France – comme l’entreprise des voiturettes s’acheminait vers sa déconfiture. L’aviation le reprit, à ma grande joie.
Il fallut mettre les bouchées doubles car il voulut tout bâtir ; à commencer par le moteur. Il eut l’idée, pour faire léger, d’en construire un à cylindres rayonnants, en étoile ou en éventail. Le premier moteur réalisé, qui procédait pour sa distribution du moteur des voiturettes, fut un 7 cylindres à refroidissement par air dont la puissance était évaluée à 35 CV mais qui n’en dépassa pas 25. Il pesait environ 50 kg. Je m’occupai spécialement de sa mise au point ; il fut prêt vers la fin de l’année.
Le moteur une fois en route, aiguillonné par l’avancement des travaux de SANTOS et de VOISIN, REP entreprit l’étude d’un aéroplane. Il fixa son choix sur le type LANGLEY. Cela n’avançait pas vite et s’avérait compliqué. Ce premier projet fut abandonné pour celui d’un monoplan dont les caractéristiques générales devaient être : la construction presque entièrement métallique, la solidité et la finesse c’est-à-dire la recherche de la moindre résistance possible à l’avancement. Parallèlement, des expériences systématiques étaient menées, sur un châssis d’automobile spécialement équipé, pour déterminer le choix et les spécifications d’un profil convenable de voilure.
Lorsqu’on fut prêts, vers la fin d’avril 1907, on s’installa, au voisinage de Toussus-le-Noble, au bord de l’étang du Trou Salé. Il y eut quelques difficultés au début. Il fallut modifier, au fur et à mesure des essais, un certain nombre de détails, par exemple, la disposition des roues ; et puis apprendre à faire des hélices susceptibles d’un bon rendement. Vers le mois de juin, l’appareil effectuait quelques brefs décollages sous la conduite de Robert ESNAULT-PELTERIE. À partir de ce moment, il ne subit plus, cette année-là, aucune transformation essentielle ; mais souvent, à la suite d’une sortie trop brève, d’un incident peu important ou même d’une idée tout à coup survenue, de petites réparations ou de petites modifications entraînaient des immobilisations de trop longues durées motivées surtout par le mode de construction adopté qui excluait tout bricolage. Aussi la mise au point de l’appareil et l’apprentissage du pilote ne se poursuivaient pas avec une rapidité suffisante. On étudiait trop, on construisait beaucoup, on n’essayait pas assez. Malgré les promesses du début, l’année s’acheva sans que les vols accomplis, bien qu’assez nombreux, aient pu dépasser 150 à 200 mètres en longueur. Il n’en restait pas moins que l’intérêt suscité par la machine auprès des gens avertis et la séduction qu’elle exerçait sur les témoins de ses essais étaient à coup sûr justifiés. À noter que cet appareil comportait, au poste de pilotage, le premier « manche à balai ».
BLÉRIOT ne cessa pas, dès qu’il fut engagé à fond dans l’aviation et qu’il eut commencé à piloter lui-même, de tout sacrifier à l’essai. Facilement influençable en ce qui concernait la conception des appareils avec, en même temps, une obstination têtue, une volonté farouche de gagner la partie appuyée par un remarquable courage physique, il n’essaya pas moins de trois appareils différents qu’il fit tous voler sur de courtes distances, à Issy-les-Moulineaux, entre juillet et décembre 1907.
Le premier fut sur le terrain au milieu de juillet et réalisa jusqu’au milieu d’août, plus d’une dizaine de vols qui s’échelonnaient en longueur entre une trentaine de mètres et près de cent cinquante. Ceci n’alla pas sans quelques atterrissages brutaux entraînant des dommages. Une fois, c’était au début d’août, l’oiseau traça, dès le décollage, une trajectoire fortement ascendante et bientôt il atteignit une douzaine de mètres. La stupéfaction et l’émoi nous clouaient sur place. L’appareil fut sérieusement éprouvé au contact du sol, à quelques 150 mètres de son point de départ, mais le pilote était indemne.
Malgré ces épreuves, BLÉRIOT recommençait, infatigablement, et parfaisait un peu mieux son apprentissage à chaque envolée. Les dispositions générales de l’aéroplane étaient imitées de LANGLEY ce qui était certainement dû à l’influence de PEYRET.
Le second n’avait plus la même allure. Il ne dura qu’une douzaine de jours mais BLÉRIOT réalisa à son bord six ou huit vols d’une centaine de mètres ; le dernier en couvrit 184 et se termina par un atterrissage très dur.
Deux mois plus tard, le BLÉRIOT n°7 apparaissait. Monoplan assez différent des précédents, il comportait le premier châssis d’atterrissage à triangles déformables. BLÉRIOT vola à son bord une dizaine de fois, entre le 16 novembre et le 18 décembre, toujours à Issy. Deux d’entre ces vols s’allongèrent jusqu’à 500 mètres ; un virage fut esquissé. Ce ne fut qu’au mois de juin de l’année suivante qu’il reprit, avec un nouvel aéroplane, des essais qui devaient lui ouvrir la voie du succès définitif.
Cependant un deuxième client s’était présenté chez les frères VOISIN. C’était Henry FARMAN qui leur passa commande au début de juin. L’aéroplane fut prêt en septembre. Il était semblable à celui livré en avril à DELAGRANGE. Toutefois une modification lui avait été apportée qui eut une grande importance. Les roues du châssis sur lesquelles reposait l’engin n’étaient, dans celui de DELAGRANGE, susceptibles d’aucun mouvement par rapport à la trajectoire. Pour FARMAN, VOISIN les rendit librement orientables par rapport à elle ce qui diminuait considérablement les chances de rupture lors du retour au sol. En fait, FARMAN n’eut pour ainsi dire aucun ennui de ce côté ce qui lui fit gagner un temps précieux.
Né d’un père anglais et d’une mère française, en 1873, à Paris, Henry FARMAN avait acquis une certaine célébrité comme coureur cycliste puis comme conducteur de voitures automobiles de courses. Il avait fréquenté la section de peinture de l’École des Beaux-Arts. Quand il devint client de VOISIN et lorsqu’on le vit aux prises avec sa machine durant la période qui précéda puis accompagna ses premiers vols, on comprit que ce serait sérieux. Attentif aux conseils mais volontaire et ferme dans ses décisions, praticien habile, sportsman accompli, clairvoyant et compréhensif, prudent et courageux à la fois, il fut vraiment, pour l’équipe VOISIN, l’homme complémentaire parfait, le pilote et le metteur au point qui lui manquait pour triompher. Il n’eut pas de cesse jusqu’à ce que ce fût chose faite. Et puis il continua.
Un hangar avait été installé en bordure du champ de manœuvres d’Issy-les-Moulineaux. L’aéroplane y fut monté et, dès son achèvement, il évolua sur le terrain. Le 30 septembre, Henry FARMAN effectuait un premier parcours aérien de quelques dizaines de mètres. Presque chaque jour, pendant la première quinzaine d’octobre, il poursuivit son apprentissage en même temps qu’il s’efforçait d’apporter à l’aéroplane les modifications que l’expérience pouvait suggérer, avec l’aide efficace de son habile mécanicien, Maurice HERBSTER, et la collaboration assidue de VOISIN.
Bien qu’il volât à chacune de ses sorties, FARMAN ne réussissait pas à allonger ses parcours aériens jusqu’à ce qu’ils atteignissent seulement 200 mètres. Depuis bientôt un an, le record de distance établi par SANTOS-DUMONT avec 220 mètres restait imbattu. Aussi cette opinion se répandait-elle, chez les sceptiques, que les vols réalisés n’étaient que des bonds au-delà desquels la capacité de sustentation des aéroplanes était épuisée. Le démenti expérimental n’allait pas tarder.
Un jour où FARMAN volait contre un vent suffisant pour que la vitesse de son appareil se trouvât assez ralentie – c’était le 15 octobre 1907 – Gabriel VOISIN put le suivre d’assez près, en courant, pendant un temps appréciable, et s’apercevoir de la mauvaise position dans laquelle était maintenu le gouvernail de profondeur. Lorsque l’aéroplane avait acquis, sur le sol, une vitesse qu’il jugeait convenable, FARMAN, pour le décoller, braquait son gouvernail à la montée mais, une fois en l’air, il lui conservait cette position. Il en résultait une trop grande inclinaison de l’ensemble par rapport à l’horizontale et une résistance à l’avancement pour laquelle la puissance disponible sur l’hélice ne permettait pas de maintenir la vitesse que nécessitait un vol soutenu. Il s’en suivait un retour à terre assez rapide. Dans les circonstances relatées ci-dessus et sur l’avis hurlé par Gabriel VOISIN, FARMAN braqua son gouvernail vers le sol ; la trajectoire de l’appareil devint sensiblement parallèle à celui-ci et l’aéroplane put parcourir une plus longue distance. On s’aperçut que, pour maintenir l’ensemble dans une bonne position, le gouvernail de profondeur devait rester braqué vers la terre. Cela indiquait un mauvais centrage de l’appareil et se traduisait par une augmentation inutile de la résistance à l’avancement. On déplaça le moteur vers l’avant de telle manière que le centre de gravité de l’ensemble corresponde sensiblement avec le centre de poussée ce qui permit qu’en vol horizontal le gouvernail de profondeur soit complètement effacé dans le lit du vent relatif. À la suite de cela, Henry FARMAN parcourut, le 26 octobre, 771 mètres c’est-à-dire à peu près la plus grande distance possible pour un vol en ligne droite à Issy-les-Moulineaux. Non seulement le record de SANTOS était largement battu mais aucune discussion ne pouvait plus s’ouvrir sur la réalité du vol en ligne droite. Cet évènement fit sensation.
Les sceptiques ne désarmèrent pas et mirent en doute la possibilité du virage. Henry FARMAN entreprit de leur démontrer leur erreur. Il voulait essayer de se faire attribuer, le plus tôt possible, l’important prix DEUTSCH-ARCHDEACON qui devait récompenser le premier parcours aérien de un kilomètre en circuit fermé. Il se rendit compte, très rapidement, qu’on ne pouvait pas virer à plat sans prendre beaucoup de champ et que, dans les conditions de son terrain d’expériences, il lui fallait, pour tourner, faire pencher son appareil. La pratique qu’il avait des vélodromes et de leurs virages relevés fit que la manœuvre en elle-même lui apparaissait comme logique et ne l’inquiétait nullement ; mais l’aéroplane dont il se servait ne possédait pas un excédent de puissance suffisant pour que la moindre inclinaison transversale ne l’obligeât à baisser, et la hauteur à laquelle opérait FARMAN était trop faible pour qu’aussitôt la continuité de son vol ne devînt précaire. Toutes ces notions qui peuvent sembler aujourd’hui si simples, si banales, n’apparaissaient pas d’un seul coup comme évidentes et ne se manifestaient, jour après jour, qu’à la clarté des essais successifs. Toujours est-il que le problème de l’excès de puissance nécessaire se posa très vite pour FARMAN et pour VOISIN et qu’ils s’employèrent activement à lui donner une solution satisfaisante.
Augmenter la puissance du moteur et le rendement de l’hélice, diminuer la résistance à l’avancement de l’ensemble et le poids, tels étaient les objectifs à atteindre. Nonobstant toutes les modifications qui intervenaient, Henry FARMAN poursuivait son entraînement durant lequel il contrôlait leur effet. Enfin, tout fut prêt et, le 11 janvier 1908, une première boucle fermée de un kilomètre était parcourue, en privé, à quelques mètres du sol. Cet exploit fut renouvelé et consacré officiellement par l’attribution d’un prix de 50 000 francs, deux jours plus tard, le 13 janvier, devant la Commission de l’Aéro-club de France convoquée à cet effet.
Ainsi quelques mois d’essais, de réflexions et d’efforts accomplis par un tout petit noyau d’hommes – je veux dire, Henry FARMAN, Gabriel VOISIN, Léon LEVAVASSEUR mais aussi leurs collaborateurs directs – aboutissaient à cette date, comme en couronnement d’une activité humaine plus large qui ne cessait de se développer, à la démonstration, décisive et publique, de ce fait capital gros de conséquences lointaines : les hommes avaient conquis l’air. C’était bien de cela qu’il s’agissait sans que cette fois aucun doute restât possible, en ne tenant pas compte de ce qu’avaient, pour ainsi dire d’une manière occulte, réalisé les WRIGHT que l’opinion publique considérait généralement comme des bluffeurs.
Une dizaine d’hommes avaient pu déjà, en dehors de ces derniers, s’élever au-dessus du sol et chacun souvent plusieurs fois en pilotant des engins, assez différents les uns des autres, mûs par des moteurs, et par les seuls moyens du bord, depuis la réussite inaugurale de SANTOS-DUMONT jusqu’à cette journée du début de 1908 dont nous évoquons le souvenir. Ces vols, leur réalité en tant que tels FARMAN l’avait démontrée irréfutablement en prolongeant l’un des siens jusqu’à 771 mètres, en octobre 1907, puis BLÉRIOT en parcourant 500 mètres le mois suivant, avait confirmé cette démonstration. Et voilà que Henry FARMAN venait de passer, à deux reprises, du vol en ligne droite au vol circulaire prouvant ainsi que l’homme pouvait déjà se mouvoir du sol à l’atmosphère, au sein de l’atmosphère et de l’atmosphère au sol en évoluant à son gré dans toutes les dimensions. À son gré ? En fonction, bien entendu, des possibilités que lui offrait sa machine, compte tenu des conditions du milieu par rapport à celle-ci, et de l’expérience qu’il avait acquise pour sa conduite. Mais qui pouvait douter, s’il réfléchissait un peu, qu’il en irait pour la navigation aérienne, vraiment née, comme il en était advenu pour la navigation nautique, qu’il ne s’agissait plus maintenant que de rapports de grandeurs et de progrès techniques, découlant de l’expérience continuellement accrue, pour que le champ des vastes développements, désormais ouvert, s’élargisse sans cesse.
On irait plus loin. On irait plus haut. On irait plus vite. Voilà ce qui était certain, voilà ce que signifiait, voilà ce que portait en puissance le vol, qui nous parut si simple et si magnifique, accompli le 13 janvier. Quand ? Comment et jusqu’où ? Telles étaient les questions qui, seules à présent, restaient posées. On venait de changer de système. On était passé d’un problème de qualité à un problème de quantité. Il ne s’agissait plus de savoir si l’on pourrait ou si l’on ne pourrait pas ; on avait pu. Il y avait discontinuité entre la nature des recherches avant le vol « complet » de FARMAN et celles qu’on accomplirait. Dans le domaine qui nous occupe en ce moment, une révolution, « la » révolution était faite.
Les WRIGHT aurait pu désormais disparaître sans que le cours des choses s’en trouvât profondément changé. Leur intervention publique ne pouvait plus avoir d’effet décisif. Ils venaient de perdre une grosse partie pour n’avoir pas eu le sens du social. Qu’ils mourussent, que leurs appareils et leurs documents fussent anéantis et d’eux il ne restait rien tandis que, de tout ce qui avait été publiquement acquis chez nous, jusqu’à la conclusion qui venait d’advenir, rien ne pouvait plus être effacé. En fait, la démonstration a posteriori de leur réelle antériorité perdit, si brillante qu’elle fût, de sa valeur d’enchantement. Les succès momentanés « d’hommes seuls » qu’ils connurent cette même année ne tinrent pas longtemps devant les progrès rapides qu’accomplirent, dans un enthousiasme croissant, ceux qui n’avaient jamais manqué de rester au contact des masses populaires – même alors qu’elles leur étaient injustes – ni de poursuivre obstinément la conquête de cette opinion publique sans laquelle, disait FERBER, il est impossible de travailler en paix.
Avant de tirer le rideau sur l’année 1907 que nous venons déjà de déborder, nous devons parler de nouveaux essais de SANTOS-DUMONT, noter ceux du comte de La VAULX et de De PISCHOFF, puis, en marge de la solution aéroplane, dire un mot des tentatives de Louis BREGUET avec son « gyroplane » et de Paul CORNU avec son hélicoptère.
SANTOS-DUMONT avait délaissé l’aviation durant quelques mois, après ses échecs de Saint-Cyr. Il réapparut, en novembre 1907, avec un appareil nouveau qu’il avait construit en six semaines en prenant pour thème : faire le plus petit et le plus léger possible ce dont s’accommodait son gabarit personnel. Ce fut le premier d’une série qui conserva son aspect et ses caractéristiques générales ; ils furent connus sous le nom de « demoiselle ».
SANTOS vola le 16 novembre, à Bagatelle, sur près de 200 mètres. Il s’engagea immédiatement pour tenter de conquérir le prix DEUTSCH-ARCHDEACON ; ce qu’il essaya sans succès. L’hélice s’étant rompue au cours d’un essai, SANTOS démultiplia sa vitesse par rapport à celle du moteur. Il n’obtint rien de bon et reprit ses études sur les premières bases. Il finit par mettre sur pied un remarquable petit appareil ; mais, achevé seulement vers la fin de 1908, sa mise au point définitive ne fut terminée qu’en 1909.
Le 18 novembre 1907, à Saint-Cyr, le comte de La VAULX, aéronaute célèbre, se livrait aux essais d’un aéroplane étudié par TATIN et construit par MALLET. Il y eut, fut-il dit, une courte envolée, de quelques dizaines de mètres ; et puis une aile se brisa ; l’appareil fut détruit et l’affaire en resta là.
De PISCHOFF, jeune Hongrois habitant Paris, absolument passionné pour l’aviation et qui connut, plus tard, de notables succès, comme constructeur et comme pilote, avant que de périr accidentellement en 1922, fit décoller, en décembre, le premier aéroplane qu’il avait conçu.
Enfin, avant qu’à Lisieux Paul CORNU fasse s’élever jusqu’à 1,50 m au-dessus du sol, en novembre, un hélicoptère qu’il avait construit et qui resta sans descendance, Louis BREGUET, qui devait occuper la place que l’on sait dans l’aviation du lendemain, obtenait en septembre, à Douai, le soulèvement sur place, jusqu’à un mètre, d’un autre appareil de la même famille, le gyroplane, à bord duquel se trouvait son ingénieur VOLUMARD. >> Suite
Octobre 1968 Edouard Chateau