Résistance !

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La maison de E.Chateau à Dissay

Edouard Chateau fait partie de cette génération qui a connu, qui a même participé activement à deux guerres et non des moindres. Lorsque le nazisme s’installe en Allemagne, que le fascisme monte en France, il est à l’aube de ses soixante ans, mais il n’a pas changé et reste fidèle à ses convictions. Il  prend conscience que l’homme se doit d’intervenir afin de changer le cours des évènements, et après une longue réflexion il donne son adhésion au Parti Communiste Français. La situation est spéciale. Le PCF n’a pratiquement aucune base dans la région. Rapidement Edouard Chateau devient le serviteur loyal, mais surtout le principal organisateur du travail du parti dans son canton voir même au-delà. Il est conforté dans sa position lors du congrès de Villeurbanne en 1936. Pendant plus de trois ans, il continua son action prolongeant ce combat éternel de justice qu’il avait appris plus jeune, d’abord avec l’affaire Dreyfus, puis lors de la guerre de 14.
Puis la guerre arriva, une période trouble au début, dangereuse ensuite pour lui, pour ses camarades. Peu de temps après l’armistice de 1940, sous le nom de François Chaumier, il organise la résistance dans le canton de Château-du-Loir. La mission première est de rédiger des tracts et de chercher des armes. Le groupe qu’il a lui-même constitué se compose de sa femme Charlotte, mais aussi du Docteur Goude, de  Champion, Hurel, Froger, du couple Polpré, Folliot et Alteau. Jusqu’en octobre 1942 ce petit groupe faisait surtout du renseignement qui était transmis ensuite à Londres par le Docteur Planchais.
Le 23 mars 1943, la cellule qui s’était mis en sommeil reprit ses activités suite au largage dans le parc du Château de Monsieur Cordier à Dissay de trois parachutistes français, dont Jean Bouguennec, dit “Francis”. Ce dernier, agent des services Buckmaster, va créer le réseau Max Butler mais suite au premier parachutage d’armes, le groupe est victime d’une scission.
Le plus grand nombre reste avec Edouard Chateau.  L’autre partie, sous la direction du docteur Goude s’affiliera au réseau Buckmaster. Chateau sera chargé avec ses amis, de la préparation du sabotage du nœud ferroviaire de Château du Loir, travail qui fut accompli minutieusement.
Le 9 septembre 1943, le groupe du Docteur Goude est arrêtée par la Gestapo lors d’un parachutage. Quelques heures plus tard, Edouard Chateau et son équipe sont arrêtés également alors que les deux groupes n’étaient plus liés depuis plusieurs mois.
Dans sa déclaration à la fin de la guerre, Edouard Chateau n’a pas souhaité qu’une enquête soit ouverte sur les circonstances qui ont conduit à son arrestation. Il est donc certain que nous n’allons pas le faire ici.
Edouard Chateau est donc interrogé et torturé à Tours, puis est dirigé vers Compiègne avant d’être déporté à l’âge de 63 ans à Buchenwald.

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Le portail à Buchenwald

Les frères Michaut, déportés à Buchenwald dans le dernier convoi en 44, définissent en quelques mots ce que représente pour eux  le camp :” Une ville, ville de crime et de souffrance, de vol et de démence. Ville de haine, et de vengeance, ville de froid et de faim, ville de mort. “

Carte Buchenwald
Carte Buchenwald

Les nazis commandent et surveillent le camp. L’administration est laissée aux prisonniers. Une certaine forme de résistance s’installa à Buchenwald, d’abord organisée par les prisonniers politiques Allemands, rejoints plus tard par les prisonniers politiques français. Il s’est dit à peu près tout et n’importe quoi au sujet de la résistance française à Buchenwald. Par définition, une association clandestine ne laisse pas de traces écrites, pas de noms. Cette résistance donna aussi l’occasion à de nombreuses personnes de se fabriquer une carrière politique à la libération, excluant au passage ceux qui avaient bien avant eux, œuvré dans la défense des intérêts français ou tout simplement dans celui  des prisonniers. Or s’il y a bien eu une certaine forme de résistance, s’il  y a bien eu des sauvetages à l’intérieur même du camp de Buchenwald,  de nombreuses exactions eurent également lieu, encouragées par le système mis en place.
Edouard Chateau, malgré son âge, fait partie de ceux qui n’ont jamais renié leurs idéaux,  tout ça dans un univers complètement hostile où les règles simples d’une société civilisée n’existent quasiment plus. Il fera partie du comité français, mais peu de personnes en parleront.  On trouve cependant dans le livre “Un autre Monde” du dessinateur L.H. Nouveau, lui aussi déporté à Buchenwald,  des traces et des anecdotes de celui que l’auteur nomme le père Chateau. Celui-ci témoigne d’ailleurs que l’engagement politique d’Edouard Chateau vacille sérieusement à cette époque car il raconte : ” Le père Chateau avec qui je me trouvait était un homme intelligent , communiste ou presque ”  Presque ! Tout est dit Une certaine philosophie est toujours présente, la politique a disparu.
Dans une autre anecdote, Nouveau raconte également comment Chateau a ordonné à tous ses compagnons d’infortune, qui étaient comme lui affamés,  de partager leur maigre ration de pain afin de pouvoir alimenter un camarade qui revenait en piteux état d’un commando et qu’il fallait sauver d’une mort certaine.
Plus tard, après sa libération, Edouard Chateau, ne parlera pas ou peu de Buchenwald.

A Buchenwald
A Buchenwald

Une des rares choses qu’il a racontée est qu’il avait été chargé d’occuper intellectuellement les prisonniers. En effet, dans le petit camp où il était interné, l’inaction de ceux qui ne travaillaient pas, qui étaient malades, qui avaient faim était terrible. Pour cela il avait pris un dictionnaire qu’il s’était procuré et dissertait sur le sens des mots, pris au hasard dans une page. Pour lui, les esprits devaient être occupés, il ne devait pas y avoir de relâchement sous peine de se voir plonger petit à petit dans les abimes du désespoir et ne jamais en sortir.
Lorsqu’il fut rapatrié en France, qu’il rentra à Dissay, il reprit  rapidement sa liberté vis à vis du PCF . Il en avait trop vu.
Certaines ambitions politiques d’anciens déportés de Buchenwald virent aussi le jour à Château-du-Loir et le rôle d’Edouard Chateau et de son groupe de résistants fut alors réduit au strict minimum, voir même effacé. Il dut prouver lui-même son action dans la résistance, refaire une déclaration pour lui, pour sa femme afin que son rôle soit reconnu, non pas pour la gloire, mais pour la vérité. Il reçut même sur le tard, la médaille de la résistance, mais étant profondément allergique à la moindre distinction, personne ne sait aujourd’hui ce que cette décoration devint .
L’accumulation de tous ces évènements furent lourds à digérer. Il tomba sérieusement malade, puis, il reprit pied et remit les compteurs à zéro. Nous étions en 1950, il restait du temps pour passer à d’autres choses.  >> Suite

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Merci à Monsieur Roger Lecoq pour son aide.