Edouard Chateau entre en octobre 1905, au service de Robert Esnault Pelterie. Au départ il est principalement chargé de l’étude moteur et des essais d’une voiturette qui devait participer au tour de France 1906. Mais le projet échoua faute de temps et REP se tourna de nouveau du côté de l’aventure aéronautique. ( En 1904 il avait déjà réalisé des essais de planeur à Wissant.)
Ce fut le début d’une fructueuse collaboration entre les deux hommes. D’un côté, Esnault Pelterie, fils d’industriel, des idées à revendre, brevetant à tour de bras et de l’autre, l’ingénieur Chateau, fils d’artisan, homme du peuple, se moquant des aspects financiers, passant d’un projet à l’autre avec comme obsession permanente de toujours innover et inventer. Les deux hommes ont pratiquement le même âge, ils ont surtout la même passion. Cette association ne pouvait que réussir. Homme de l’ombre, fidèle à ses idées Edouard Chateau ne revendiqua jamais ses propres inventions attribuées par l’histoire et par les règles à son patron. L’on ne peut juste que constater et sans rien enlever à Esnault-Pelterie que le passage de Chateau chez REP constitue la période la plus prolifique de la société avec notamment les inventions du moteur à éventail, du manche à balai, des freins oléo pneumatiques …
Sa jeune sœur Henriette le rejoignit en avril 1907 et occupa jusqu’en 1908 des emplois de dactylo puis de caissière comptable. Un certificat de travail signé de la main même d’Esnault-Pelterie l’atteste en 1909.
Mais pour Edouard Chateau, on étudiait trop, on construisait beaucoup, on n’essayait pas assez. Les deux hommes ont du caractère, mais le respect de l’un pour l’autre est trop fort. La coopération continue malgré des opinions parfois divergentes.
Suite à l’accident d’Esnault-Pelterie le 8 juin 1908, Edouard Chateau passa aux commandes de l’appareil et commença à piloter, réalisant les essais du nouveau REP 2 bis qui venait de sortir de l’atelier en octobre 1908. C’est aux commandes de cet appareil que le 21 novembre 1908, Edouard Chateau remporta le troisième grand prix des 200 m de l’Aéro Club de France en parcourant sans aucun risque 316 m.
Le 15 janvier 1909, Edouard Chateau cessa sa collaboration avec Esnault Pelterie pour entrer au service de la société Astra qui était chargée du démarrage des affaires des frères Wright en France.
Le principal défi chez Astra était de préparer l’avion de De Lambert pour la traversée de la Manche. C’est ainsi qu’il se retrouva à Wissant. en compagnie de Latham et de Blériot. Le jour où De Lambert était passé de l’autre côté afin de chercher un terrain, Blériot traversa la Manche avec son appareil.
L’histoire ne retiendra que le nom de Blériot alors que 3 pilotes sur 3 avions différents pouvaient à trois jours d’intervalle réaliser le même exploit.
Edouard Chateau quitta alors la société Astra pour rejoindre de septembre 1909 à février 1910 l’école Voisin à Mourmelon où il devint le chef pilote, succédant à Maurice Colliex. Les hangars de l’école Voisin côtoyaient ceux de Henry Farman et ceux de l’école de la société Antoinette qui était dirigée par Latham. Tous partageaient le même hôtel dans une bonne ambiance où chacun essayait de donner le meilleur de lui-même. Edouard Chateau fut l’instructeur d’Elise Déroche, plus connue sous le nom de Baronne Delaroche , la première femme au monde ayant obtenu son brevet de pilote. D’autres noms s’ajoutèrent à la liste des élèves d’Edouard Chateau comme ceux de Rigal, Métrot ….
Nous retrouvons ensuite Edouard Chateau chez Tellier, où il dirigeât également l’école de pilotage. Le 30 juillet 1910, avec son monoplan Tellier, il atterrissait à Toussus-le-Noble venant de Draveil puis y retournait un peu plus tard, soit une distance d’environ 45 km. Un simple allez et retour qui lui permit d’aller saluer son ancien patron Robert Esnault Pelterie.
Il se retrouvera ensuite chez Deperdussin suite au rachat de Tellier. Edouard Chateau s’occupa entre autre de l’étude du Deperdussin 160 cv qui, piloté par Prévost, remporta le 16 avril 1913 la coupe Schneider à Monaco. Puis la guerre arriva ….
Avec son camarade Etienne Dormoy avec qui il travaillait chez Deperdussin, ils mettent au point et fabriquent un obusier pneumatique, le Dormoy-Chateau . Deux modèles furent fabriqués, le premier en 1915 qui comportait quelques défauts, le deuxième, beaucoup plus fiable en 1916. Le modèle 1916 pouvait tirer 10 coups par minute et avait une portée de 295 m . Ce crapouillot utilisait des projectiles de chez Brandt ( Obus B 1916 ) A la fin de la guerre, le gouvernement français offrit pour cette invention une prime de cinq millions de Francs or, prime que Edouard Chateau, fidèle à ses convictions refusa.
Le tir à travers l’hélice.
Cette période de guerre va mettre en avant une incohérence historique concernant le tir à travers l’hélice, système du blindage de l’hélice, attribué à tort à Roland Garros et à son ami l’ingénieur Saulnier. Or le brevet du tir à travers l’hélice avait été déposé le 22 janvier 1914 par la firme Depedussin ( brevet 475.151 ) représenté par le syndic Maitre Raynaud. En effet la société Deperdussin dans laquelle travaillait Edouard Chateau, avait été déclarée en faillite le 7 août 1913. L’essentiel du travail de l’administrateur judiciaire Raynaud a donc été d’essayer de récupérer en vain les brevets de la firme Deperdussin dont ce fameux brevet du tir à travers l’hélice, invention qui pour la mémoire familiale est attribuée à Edouard Chateau.
Le brevet de pilote.
En 1909, l’Aéro Club de France qui voulait tout contrôler s’avisa de créer un brevet de pilote. Lors de la séance du 7 janvier 1909, l’ACF décida de délivrer les premiers brevets par ordre alphabétique ce qui reléguait les frères Wright en dernière position et permettait à un Français, ( Blériot ) d’être le numéro 1.
Fin 1908, ils étaient 28 hommes à avoir volé et seulement 8 au monde à avoir obtenu des prix. Il s’agit de Santos Dumont, Farman, Delagrange, Ellehamer, Blériot, Curtiss, Wilbur Wright et …. Edouard Chateau
Une fois la liste terminée, quelqu’un s’aperçut que l’on avait oublié Ferber. On lui donna donc le 5 bis. Quand à Chateau, Legagneux, Welferinger qui auraient dû se trouver chronologiquement parmi les 12 premiers, ils furent relégués plus loin, condition de salariés oblige.
C’est ainsi que Edouard Chateau se retrouva avec le N° 135 alors que son élève Métrot détenait le N°19.
Il faut quand même préciser que le président de la commission était un arbitre de boxe et que Edouard Chateau ne mit aucune bonne volonté pour s’attirer les bonnes grâces de la commission . La raison officielle de ce retard important était que les témoignages de ses vols n’avaient pas été calligraphiés sur un papier à en-tête de l’Aéro Club. De guerre lasse et devant cette situation abusive la commission finit par lui accorder le sésame.
Après la guerre, Edouard Chateau occupe des postes de direction chez Ducellier et Labinal. Encouragé par sa femme, il finit par prendre des brevets qui vont lui assurer des revenus. En 1936, il se retire dans sa région d’origine, à Dissay-Sous-Courcillon, dans la Sarthe. >> Suite
Merci à Michel Templeraud pour ses écrits dans Pilote Privé de juillet 81