La situation fin 1908

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Wright à Auvours 1908

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Moteur REP au banc d’essais

On admettait généralement que ceux-ci pouvaient être viables si, sans trop s’écarter des profils d’ailes et des angles d’attaques connus, ni des charges au mètre carré et des poids enlevés par cheval des appareils ayant volé, on était capable de centrer convenablement l’ensemble et d’obtenir, au point fixe, une traction d’hélice équivalant au moins au quart du poids total de l’aéroplane en vol.

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Chambre de Wilbur Wright Auvours

La plupart des fournisseurs d’accessoires ou de matières premières pour l’automobile ouvraient, dans leurs catalogues, des rubriques spéciales pour l’aviation où figuraient : des tendeurs, de la corde à piano, des pièces moulées en aluminium, du contre-plaqué, des bois spéciaux, de la soie, des toiles, etc. Des entreprises dirigeaient systématiquement leurs efforts vers des fabrications destinées à la jeune industrie. La foi en son avenir gagnait rapidement de nouveaux individus, de nouveaux groupes, de nouvelles couches sociales. Les plus entreprenants, les plus clairvoyants aussi, misaient déjà sur les profits probables qu’ils en pourraient tirer.

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Louis Paulhan

Cet état d’esprit qui faisait qu’existait d’abord entre tous les intéressés comme un sentiment « national » à l’échelle de l’entreprise auquel se superposait un « internationalisme » non moins sincère et non moins actif à l’échelle de la totalité, de l’universalité de l’aviation, cet état d’esprit, dis-je, accélérait puissamment la marche du progrès. Un autre élément de celui-ci, c’était l’inévitable publicité des expériences. En matière de découvertes, et à ne considérer que l’intérêt commun des hommes, le secret est toujours un frein. En l’espèce, je ne dis pas que ce dernier n’eût point connu, au choix, la préférence de quelques-uns qui eussent cru y trouver, comme l’avaient fait les WRIGHT, une garantie plus certaine de leurs intérêts privés, mais les conditions du problème à résoudre et celles de circonstances et de milieu au sein duquel il se développait rendaient la chose à peu près impossible.

Et puis voici que des prix, de plus en plus importants et de plus en plus nombreux, créaient l’espoir de gains substantiels acquis dans l’accomplissement glorieux de prouesses aériennes et poussaient vers les jeunes usines d’aviation les nouveaux clients nécessaires à la fois à leur existence et à leur développement. Nous avons émis cette opinion que l’important prix DEUTSCH-ARCHDEACON avait pu fortement appuyer les vocations de DELAGRANGE et de FARMAN. Wilbur WRIGHT et ce dernier s’étaient partagé, à la fin de 1908, tout près d’une centaine de mille francs dont 65 000 pour FARMAN. La valeur des prix encore offerts à la même date, tant à l’étranger qu’en France, atteignait plus d’un million.

Une bonne partie d’entre ces prix correspondaient, il est vrai, à des performances dont la réalisation paraissait difficile à envisager dans l’immédiat ou dans un avenir très proche. Un but positif, tentant, ne s’en trouvait pas moins ainsi assigné à de nouveau efforts et contribuait à les susciter. Je ne mets point en doute que ce fut d’abord l’intérêt porté par eux à l’aviation qui inspira les créateurs de ces prix. Il n’en reste pas moins évident que les plus notoires d’entre eux, comme les frères MICHELIN, Henry DEUTSCH, Gordon BENNETT, le « DAILY MAIL » tiraient de leurs gestes le bénéfice d’une publicité considérable. Je ne crois pas qu’un prix quelconque, affecté d’une somme assez grosse, ait jamais été créé sous le couvert de l’anonymat. De toute façon, cette manne abondante épaulait sérieusement le développement industriel de la jeune aviation et c’était là l’essentiel.

Dès les premiers vols de SANTOS-DUMONT, l’Aéro-club de France avait assumé cette charge dans notre pays. Il avait été fondé, en 1898, par un petit groupe d’hommes jeunes, généralement riches, qui voulaient s’adonner, en sportifs, à la pratique du ballon libre et la développer dans leur milieu alors que les aérostats apparaissaient le plus souvent, à cette époque, comme des instruments professionnels aux mains de hardis spécialistes qui faisaient un peu trop figure de baladins. Ils avaient réussi dans leur entreprise et obtenu dans différents domaines, celui par exemple des ascensions scientifiques, des résultats qui dépassaient sans doute le cadre de leurs ambitions primitives. La naissance et le développement des ballons dirigeables avaient encore accru l’influence et la notoriété du club qui se trouvait en pleine progression lorsque l’aviation prit corps. Tout naturellement, il s’y intéressa et, dès 1903, il instituait une commission spéciale chargée d’en connaître sous tous les aspects. Une revue, bimensuelle en 1908, « l’Aérophile », fondée en 1895 par son secrétaire général, BESANÇON, à qui elle appartenait, lui servait de bulletin officiel. En 1905, l’Aéro-club de France avait pris l’initiative de constituer une Fédération Aéronautique Internationale qui groupait dix Aéro-clubs nationaux. En France, un certain nombre de sociétés locales lui étaient affiliées et reconnaissaient son autorité. Les personnages qui présidaient aux destinées du club jouissaient de notoriété et d’influence dans différents milieux comme ceux de l’industrie, de la finance, de la presse, de la politique et des sciences. Dans ces conditions, ce fut pour ainsi dire automatiquement que l’Aéro-club s’érigea en pouvoir sportif dès les premiers vols et personne ne lui contesta d’abord son autorité.

Bien que, sans y être née absolument, elle ait trouvé dans notre pays son terrain d’élection, elle se développait aussi, à une cadence plus ralentie, ou commençait à prendre pied, aux États-Unis et un peu partout en Europe. Mais rien n’existait nulle part encore qui fut comparable à cette force en marche qu’elle représentait déjà chez nous. Il était donc naturel que la première manifestation qui permettrait que s’établisse un contact direct entre l’aviation et ce public « sans l’opinion favorable duquel il est impossible de travailler en paix », s’organisât en France. Ce fut ce qui se produisit.

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Affiche du premier Salon